Salon d'écriture année 2014

Neufchatel en Saosnois chez Isabelle
Le thème de cette première rencontre
Le voyage immobile

4 octobre 2014








Notre premier salon d'écriture, dans une cuisine ouverte avec une cheminée. Une odeur d'ensens circule par moment. Comme une fenêtre que l'on ouvre vers un ailleurs, un intérieur qui nous emmène en voyage, une incursion dans la vie de celui qui nous ouvre sa porte.
C'est donc ici que commence cette aventure.
Dans la pièce, une table qui fait office de bureau, placée devant la fenêtre. Un gros livre avec ses pages dorées, posé sur la table. Couverture velours rouge.
Le regard attrape sans arrêt quelque chose de nouveau, une plume accrochée à un miroir, une vieille balance, une boîte en bois « chocolat menier ». Une corde avec un crochet et un sac pendu, une mappemonde, un volet sur le mur qui sert d'accroche pour chapeaux et vestes, une grande planche en bois où plusieurs dessins d'enfants animent cette pièce.
Un tambour de machine à laver accroché au mur, il semble y avoir des écharpes ou des gants.
Ambiance chaleureuse, discussion avant de commencer l'atelier.. L'âne Oscar nous fait profiter de sa présence. Et puis interviennent les chasseurs. Une chasse à courre à Neufchatel. Le bruit des chiens, l'agitation des enfants, des chêvres, de l'âne, Isabelle intervient. On finit par sortir quand la pluie nous invite à reprendre place.
Ecrire dans un salon privé, c'est aussi s'adapter à ce qui se passe autour. Un partage de quelques moments de vie.
La pause thé, une douceur au milieu de cette chasse . Chocolat, brioche. Les enfants sont autour de nous pour partager le goûter.
Famillial et convivial ce premier salon où l'on partage plaisir d'écrire ensemble.
La pluie s'est invitée, les enfants ont rentré les chèvres, ils ne sont pas très loin.
Dans la maison, le silence reprend sa place et l'écriture entame son circuit autour du voyage immobile. Une traversée de part et d'autre. Entre la chasse à courre, le goûter en famille et puis à nouveau l'écriture et le silence. Avec par moment un enfant qui vient chercher quelque chose sur la pointe des pieds.
Les chiens n'aboient plus, juste la pluie et par moment un oiseau.
17h10 Le vent se lève, l'automne arriverait-il ? Les feuilles volent, une des filles, la plus grande vient fermer la fenêtre.
J'entends le vent qui souffle.
Sève


Textes de Nora Voyager pour...
Voyager pour rencontrer
pour découvrir
se découvrir
aller vers les autres
retourner en soi
pour s'enrichir
pour donner
Voyager pour voir, sentir, entendre, goûter
Voyager pour ne pas rester
pour fuir
pour mieux revenir
pour ne pas rester immobile
Voyager pour traverser le temps
ne pas regretter de n'avoir pas vu
pour avoir envie d'y retourner
pour apprendre
POUR NE JAMAIS AVOIR FINI D'APPRENDRE
Voyager pour se rendre compte de ses erreurs
pour apprendre de son passé
pour entrevoir son avenir …


Les fragments...

La sensation d'abord. Celle de la voiture qui roule, qui bouge, qui elle aussi part en voyage et découvre sous ses roues des revêtements différents, plus ou moins lisses, plus ou moins agréables, plus ou moins amicaux, à mesure que nous avançons vers le sud. Sentir son propre corps qui se déplace. Vivre dans son corps le mouvement. 
Se rendre compte qu'on appartient furtivement à différents paysages.
La vue des couleurs qui défilent sous nos yeux. La France, c'est vert. Les Pyrénées, c'est … on ne sait plus trop. Plus d'horizon, mais des maisons qui se cachent un peu partout. Du mystère. Des montagnes qui glissent les unes sous les autres, qui jouent entre elles. Madrid : les autoroutes qui se croisent partout. La Mancha : les statues de Don Quichotte. 
Les représentations des taureaux sur le bord de la route, qu'on s'amusait à compter quand on était petits (« on a vu 36 taureaux et traversé 16 tunnels »), même si, bon, on en loupait quand on s'endormait. L'Andalousie : le plat, le chaud, le jaune, et le ciel si clair quand on couche à la belle étoile, découvrant avec délectation de nouvelles galaxies. Marbella : la mer, le luxe. 
On s'y est arrêté une fois. Plage majestueuse … Algéciras. Enfin ! La vue sur le port, le Maroc au loin, les dauphins, qui malheureusement ne font plus le voyage avec nous depuis bien longtemps, depuis que les petits bateaux vont trop vite.
L'odeur du soleil. Oui le soleil a une odeur. Et puis celles des grillades des premiers villages qu'on traverse, une fois passés de l'autre côté. Souk el Arbâa, quelle étape ! Là on sait qu'on est vraiment au Maroc.
Enfin, le son de Marrakech, la ville qui ne dort jamais. Les klaxons. Les « zid, zid », « balak, balak ». Les « chtoks chtoks » des sabots des chevaux des carrioles. Les voix des enfants qui jouent dans des endroits improbables. Le muezzin. Tous ces sons qui sont tapis en moi et qui font partie de ce que je suis.
Et le goût du premier thé. Celui qu'on apprécie autour de la table, dans le salon bleu, mêlé aux notes sucrées des premières crêpes au miel.
Tout ça que le trajet en avion n'offre pas.
TGV – Paris, 10°C – Avion – Ouverture des portes – Marrakech, 33°C
Trop rapide. Trop … violent.
Pas le temps de vivre les nuances, de s'acclimater, d'apprécier les changements, de … voyager en somme !


Une ballade en JE

Je suis la rue.
Ce n'est pas là que je voulais aller, mais tant pis.
Je n'ai pas l'impression d'avancer consciemment.
Je flotte.
A droite, un vieillard répète un mot. Il tente de se faire comprendre. Je saisis ce qu'il veut dire. Pas les mots, l'idée. « Occupe-toi de moi, regarde-moi. Fais-moi sentir que je suis vivant. Fais-moi sentir que je suis humain, comme toi. »
J'avance.
Une petite fille ramène du pain. En France : une baguette sous le bras. Ici, un plateau de gâteaux ronds sur la tête.
Elle chantonne, bientôt suivie par d'autres qui sortent de part et d'autres, comme appelées par une injonction magique.
Plus loin, un vendeur ambulant. Il me propose une espèce de fruit d'une couleur improbable. J'en goutte un, en achète six.
Des sons, avant de voir. Un tumulte. Une bagarre ? Partout les hommes qui se fâchent font le même bruit.
J'entends donc des sons familiers dans des endroits qui ne le sont pas, et ne sais plus différencier ce que je connais de ce que je découvre.
Puis, je vois une maison plus petite que les autres, à gauche. Une maison, non, c'est un temple. Le son des prières m’atteint, et je reste comme hypnotisée. Conquise. Je ne comprends toujours pas de quoi ça parle, mais peu importe, ça résonne en moi, m'entoure, m'envoûte, m'emmène.
Je me moque de savoir où je suis et quand je suis.
Je sais juste que je ne vivrai jamais ça ailleurs.
La pluie, l'orage. Les gens croient que les gouttes tombent de la même façon partout, mais ce n'est pas vrai. J'en ai vécues des pluies différentes ! Jamais deux fois la même ! Dans ma chambre d'enfant, avec le bruit si particulier qu'elle faisait en tapant sur le velux ; dans mes différents chez moi notamment quand l'orage éclatait sur la rivière dans mon premier appartement ; à la mer ; au Nord ; au Sud ...Là, elle s'offre à la terre en dessinant quelques traits autour de son point de chute. Un petit feu d'artifice !
Je vais bien finir par arriver à un endroit que je reconnais, qui me ferait croire que je ne suis pas perdue.
Perdue ? Vraiment ?
Je me perds et je me retrouve.
J'ignore et je reconnais.
C'est nouveau et déjà familier, familier et toujours étonnant.
Rester curieux.
Garder les yeux ouverts.
Accepter de ne pas savoir.
Des pas, de plus en plus près.
Des bruits de cuisine.
Puis les odeurs.
C'est le soir qui tombe, les familles vont se retrouver. Elles ont la chance de pouvoir sentir réellement ce que veut dire être ensemble. Partager. Tous autour d'un plat commun. Pas de chichi, pas de caprice, pas d'enfant-roi. Partager.
J'entends un souffle dans un micro. Bientôt ils vont se mettre à danser. Bientôt il fera nuit, sans qu'ils s'en aperçoivent.
Mes pas me mènent vers une route plus grande, c'en est fini de cette féerie."


Texte d'Isabelle « Je pars quand je veux »
Je pars quand je veux, prête ? Pas vraiment, mais je pars quand je veux. 
Pour faire comme tout le monde, pour ne pas être la dernière.
Je suis encaissée, les deux fesses dans une chaise, les boutons du coussin bien enfoncés dans ma chair, un chandail bleu marine sur mes épaules ; mes pantoufles de noël pour ne pas faire trop de bruit quand je partirai ; le tic-tac de mon réveil ; le silence de ma solitude ; quatre murs impersonnels ; une odeur d'eau de toilette, sur un mouchoir en tissu bien plié et cette porte qui s'ouvre laissant une voix me tenir compagnie « ça va ? ». 
L'impatience des autres à vouloir me faire voyager en se soulageant de mon poids d’existence, à moins qu'il ne s'agisse de compassion. Mais moi je pars quand je veux.
Dans cette chaise, j'ai tout visité: Les joies ; les pleures ; la honte ; l'humiliation, on m'y a souvent oublié. Je ne la prête jamais, elle est ma porte vers la liberté et puis, je suis dedans et puis, c'est ma chaise...pour le moment !
Je la fais réagir, au son de mon postérieur, s'installant confortablement pour la journée, laissant s’échapper un pschitt d'air de son coussin.
Un geste de la main, soulevant le rideau de ma chambre, piqueté de petits points noirs et je pars quand je veux. Dehors un chat reste immobile, endormi sur le banc du parc, lui aussi, peut-être attend-il le départ. 
Des enfants courent et crient m’empêchant de prendre mon billet, mais moi je pars quand je veux, je l'ai bien mérité. Je ne m'attache pas ou plus, je vais partir. Tien voilà la pluie et le train de l’après-midi.
Suivant les plies de ma joue, glissant sur mes souvenirs, une légère mimique pour aider cette larme de fatigue à voyager parmi les sillons de ma vie.
Et moi ! Moi ?...je pars quand je veux.





Neufchatel en Saosnois chez Isabelle
Deuxième rencontre sous le signe du roman et de Queneau
Toujours agréable de se retrouver autour d'une table. A nouveau chez Isabelle pour un cycle autour du roman.


15 novembre 2014





Texte de Nathalie
HISTOIRE A LA FACON DE RAYMOND QUENEAU
1ère version.

Comme tous les matins, le bus n°7 s'arrête devant la mairie à 8h30. Un homme en par-dessus, occupé par la lecture de son journal, en descend sans se soucier du reste. Seulement, ce matin là, une plaque de verglas l'attendait juste sous son pied. L'homme glisse et se retrouve sur son derrière sans qu'il puisse réagir. Instinctivement et tout penaud, il se relève avec la vitesse de l'éclair tout en balayant l'horizon pour s'assurer que sa chute ne compte aucun témoin. Malheureusement pour lui, à quelques mètres seulement, une jeune femme le fixait droit dans les yeux, immobile, esquissant un léger sourire. 

2ème version.

Toujours concentré à lire son journal
l'homme ne put prévoir sa sortie peu banale
son pied glissa sur une plaque de verglas
l'obligeant à tomber au niveau le plus bas.
Remis debout avec grande célérité
il balaya l'horizon d'un regard inquiet
espérant vivement ne pas être remarqué
raté, une femme au bas du bus ricanait.

3ème version.

Bip. Bvvvv et oups, patatras. Aïe ! Vite debout mais zut, ahahaha !

4ème version.

Tous les matins ou peut-être le soir, bref dans la journée, un homme, enfin une personne sortait du bus, à moins que ce ne soit le tramway. Occupé à la lecture de son journal ou d'un livre ou simplement une feuille, il descendit sans voir la plaque de verglas juste devant, voire légèrement sur la gauche ou la droite, cela dépend d'où on observe la scène. Son pied glissa, enfin plutôt sa chaussure, ce qui entraina sa lourde chute sur le trottoir, peut-être était-ce encore la route. Honteux, il observa les alentours. Malheureusement, une jeune femme, non pas si jeune, souriait de son mal