Salon d'écriture année 2015



Pour cette troisième rencontre, nous étions chez Nathalie à Mamers.
Suite du cycle autour du roman.
24 janvier 2015





 Texte de Nathalie
POURQUOI ECRIRE



Écrire offre un voyage original à l'intérieur de soi. Une fois la technique maîtrisée, l'art scriptural ouvre à celui qui s'y intéresse des possibilités infinies. 
Face au papier vierge, la main et son stylos, simples outils, transcrivent sans modération des histoires drôles ou tragiques, réelles ou irréelles qui prennent leur source dans votre esprit, jusque là au repos. La liberté que vous venez de gagner vous enivre. Une multitude de personnages peut naître sous votre plume et flirter avec la réalité que vous lui choisissez. A force de côtoyer ces individus d'encre, ils vous deviennent à la fois proches et indispensables. Peut-être que chaque être créé prend à son compte une part de vous, ce qui le rend attachant. 


Outre la liberté offerte, écrire peut avoir une vertu thérapeutique. Cette discipline révèle votre capacité à inventer, à organiser des évènements à partir de recherches minutieuses ou bien à partir de rien ou presque, juste de votre ressenti. Tout à coup, vous vous sentez grandi car jamais vous ne vous seriez cru capable de rédiger tant de choses. Ce résultat, si modeste soit-il, efface les doutes qui se dressaient devant vous, vous empêchant de vous épanouir. Une fois l'imagination libérée, elle s'est transformée en un ouragan incontrôlable. Une idée en amène une autre, tout vous fait réagir...Enfin, vous ressentez dans ce tourbillon de mots, la satisfaction de créer. Sans rêver de gloire, vos réflexions ne s'effaceront pas même cachées dans le fond d'un tiroir. La curiosité de vos descendants ou autres dépoussièrera les feuilles noircies d'une écritures difficilement lisible et vous revivrez un instant. Certains auteur ont atteint une forme d'immortalité grâce à leur travail avec les mots. Voltaire affole encore les ventes de livres alors que son dernier souffle date de 1778. Ainsi, votre pensée, sérieuse ou divertissante, demeure et demeurera un témoin de votre époque. 
Voilà déjà bien des motivations pour se mettre à écrire ! Mais d'autres se bousculent encore pour finir de vous convaincre. 

Oser écrire, c'est gagner le luxe de prendre son temps nécessaire pour réfléchir, construire, organiser ses idées. A l'époque où tout doit être rapide, les mots dont vous maîtrisez le débit vous permettent de prendre du recul, de la hauteur... Libre à chacun de terminer son œuvre en un mois, un an, 10 ans, toute une vie ou bien même la laisser éternellement en chantier ! De même, la possibilité de partager son point du vue est laissée à l'appréciation de chaque écrivain. La musicalité des mots sélectionnés avec soin peut suffire à provoquer le plaisir recherché par cet exercice.
Finalement, les mots ont besoin des autres pour exister comme ceux qui les utilisent.



Carte postale

Après avoir repoussé deux fois notre cours d'écriture, (cela je l'avoue ne m'ayant pas déplu : la première fois je n'avais pas fini mes textes, la deuxième c'était l'anniversaire de ma fille, c'ian ). Il est 14 heure 30, Séverine (notre professeur) vient me chercher, direction Mamers, une dizaine de kilomètres. 
Le G.P.S. est branché pour trouver la maison de Nathalie  (une élève comme moi), située dans un quartier calme, la voix charmante de la dame vivant dans le G.P.S. nous indique que nous sommes arrivées, nous sonnons devant une porte mais ce n'est pas la bonne maison (très comique la petite voix G.P.S., il est temps pour elle de prendre des R.T.T.). Quelques minutes plus tard nous arrivons chez Nathalie où le cours d'écriture aura lieu aujourd'hui. 
Nous serons deux élèves, nous regrettons l'absence de deux quidams, absentes pour des raisons diverses : la distance ( plus de 100 kilomètres ) et une indisponibilité ce jour. Le calme de son intérieur impeccablement épuré. Deux poissons rouges fascinés par notre arrivée ne tourneront pas cet après- midi dans leur bocal, nous prenons place autour de la table, Séverine enlève sa montre , la pose doucement sur la table. 
Ce geste me stresse et j'attends le moment où la phrase sortira de la bouche du professeur, une voix rauque et déformée, comme un vinyle qui passerait du 45 au 33 tour me laissant tétanisée, les doigts transpirant sur mon crayon, la glotte remontant pour avaler ma salive, l'envie de reculer ce moment par un passage aux toilettes, le dos arrondi, acceptant la soumission, assise sur un pupitre de taille unique, le professeur marchant d'un pas cadencé, au rythme de la baguette de bambou tenue par sa main droite et s'écrasant dans sa main gauche, légèrement refermée pour amortir le choc de l'impact, l'horloge au-dessus du tableau semblait courir après son temps et cette phrase : «  vous avez deux heures ». 
Désolée, je me suis laissée aller à des souvenirs d'école, Séverine notre professeur, ne porte pas de blouse grise, ni de chignon strict et sa voix est douce et calme. La chaleur du poêle nous plonge dans une ambiance plus clémente et plus propice à l'écriture que le paragraphe précèdent. Le premier exercice nous transforme en romancier : comment écrire, se mettre à la place du personnage ou être le narrateur ? Séverine nous lira quelques extraits de textes pas « facile » à comprendre, je pensais être la seule mais Nathalie a plus de courage que moi et grâce à elle, Séverine nous tourne le texte autrement et un début timide d'écriture s'en suit. 
Un autre exercice nous fait tracer des colonnes qui abriteront chacune une liste de mots se rapportant au mot en tête de chaque colonne, plus facile à réaliser que de vous l'expliquer. Puis, nous fermerons les yeux, laissant le crayon accrocher un mot dans chaque colonne en zigzaguant de gauche à droite de la feuille. Les mots ainsi sélectionnés nous serviront de support pour écrire une nouvelle. Nouvelle que nous lirons pour en faire ou pas, profiter les autres. Nous finirons notre cours par une galette des rois. La fraicheur s'est invitée discrètement dans la pièce, le poêle n'ayant pas été réalimenter. 
Nathalie, comme moi, élèves studieuses et absorbées par nos textes qui parfois laissent une expression sur nos visages : un sourire, un soupir de découragement, un rire et puis, le « TAC » du crayon de Nathalie qui se pose sur la table avec cette petite phrase : « J'ai fini . » juste pour angoisser les autres, en l'occurrence dans la circonstance présente, moi ! puisque nous ne sommes que deux aujourd'hui. Voilà un moment que je voulais vous faire partager, comme vous l'aviez bien évidemment compris, les cours se passent toujours dans un bon esprit , mais revenons pour terminer cette carte postale sur le poêle éteint : le mari de Nathalie, très respectueux de notre cours, n'a pas voulu nous déranger en réalimentant le feu, pensant que le bruit stopperait nos inspirations, une discrétion toute à son honneur.
À bientôt Isabelle



samedi 13 juin 2015 
Rencontre sous le signe de la nouvelle.
Autour d'un recueil de Martin Page.

Martin Page fait partie de ces écrivains qui ont conquis hardiment leur liberté pour vivre de leur plume dans une précarité assumée, entre romans, œuvres de commande et autres ateliers d’écriture.






3 octobre 2015
Comment cuisiner son mari ou sa femme à la sauce littéraire ?

Atelier d'écriture à St Cosme en Vairais avec Nathalie, Isabelle et Yvette.

Au menu

Littérature gourmande
Crêpes soufflées
Cake non fait maison
Petits gâteaux au nutella fait maison
Figues du jardin
Le tout enrôbé d'une sauce littéraire aux saveurs de mots croustillants

Nous avons mis en place un café littéraire afin de créer de nouvelles rencontres et de partager le plaisir de la lecture. Ce café ouvrira ses portes en novembre ou décembre, date à confirmer. Mais déjà deux livres sont proposés à la lecture.
Une gourmandise de Muriel Barbery et Délogé l'animal de Véronique Ovaldé.
Il s'agit d'une rencontre gratuite ouverte à tous et toutes.

Extrait de texte utilisé lors de l'atelier d'écriture, en attendant les textes des participantes

Ensemble, c’est tout de Anna Gavalda©Editions La dilettante (2004)

Frank, cuisinier prometteur, et Camille, jeune artiste trop maigre qui survit en faisant des ménages la nuit, sont réunis par hasard dans un appartement parisien. Une amitié naît entre eux quand Franck lui glisse sous la porte un petit mot à l’orthographe approximative « A réchauffé dans une casserole, surtout ne le faites pas bouillir. Ajouté les pates quand ça frémi et laissé cuire 4 minutes en remuant doucement ».
L’odeur, le fumet plutôt, de ce bouillon l’empêcha de gamberger plus longtemps. Mmm, c’était merveilleux et elle eut presque envie de mettre sa serviette sur sa tête pour s’en faire une inhalation. Mais qu’est-ce qu’il y avait là-dedans ? 
La couleur était particulière. Chaude, grasse, mordorée comme du jaune de cadmium … 

Avec des perles translucides et les pointes émeurode de l’herbe ciselée, c’était un vrai bonheur à regarder … Elle resta ainsi plusieurs secondes, déférente et la cuillère en suspens, puis but une première gorgée tout doucement parce que c’était très chaud.
L’enfance en moins, elle se trouva dans le même état que Marcel Proust : « attentive à ce qui se passait d’extraordinaire en elle » et termina son assiette religieusement, en fermant les yeux entre chaque cuillérée.
Peut-être était-ce simplement parce qu’elle mourait de faim sans le savoir, ou peut-être était-ce parce qu’elle se forçait à ingurgiter les soupes en carton de Philibert depuis trois jours en grimaçant, ou peut-être encore était-ce parce qu’elle avait moins fumé mais en tout cas, une chose était sûre : jamais de sa vie, elle n’avait pris autant de plaisir à manger seule. Elle se releva pour aller voir s’il restait un fond dans la casserole. Non hélas … Elle porta son assiette à sa bouche pour ne pas en perdre une goutte, fit claquer sa langue, lava son couvert et attrapa le paquet de pâtes entamé Elle écrivit « Top ! » en alignant quelques perles sur le mot de Franck et se remit au lit en passant sa main sur son ventre bien tendu.
Merci petit jésus










Texte de Nathalie. Cette nouvelle a reçu le deuxième prix du concours de nouvelle du Mans.
Nous sommes heureux de vous le présenter.

DIVINE GUERRE FROIDE
L’évolution des mentalités rendait la gestion du monde compliquée. Chacun réclamait le confort, le bonheur, même le pouvoir parfois…Ainsi le bureau de Jupiter croulait sous les pétitions, les querelles à régler ne lui laissant plus aucun moment intime pour profiter de la quiétude de l’Olympe, peuplé de nymphes de passage, toutes plus exquises les unes que les autres… 


Le plus puissant des Dieux s’irritait contre cette terre qui n’accouchait que de capricieux le privant du même coup des délices de l’oisiveté ! Pourquoi devait-il passer son temps à trouver une solution aux conflits de ceux qui n’avaient même pas été capables de rester au paradis ! Après avoir une nouvelle fois ignoré les prophéties pessimistes des sœurs Cassandres, il décida de déléguer ses pouvoirs de gestion terrestre, temporairement bien évidemment, lui permettant de s’offrir une année sabbatique bien méritée. Ne boudant pas le plaisir de se divertir, il organisa un concours pour pallier son absence. Chaque candidat devait lui apporter la preuve qu’il pouvait remettre de l’ordre dans toute cette cacophonie terrienne. 
À peine la nouvelle colportée par les réseaux célestes, dont le plus emprunté restait tweetorus, les ambitions ne manquèrent pas de se dévoiler. Chacun mettait en valeur ses atouts, sa force, son imagination et son intelligence hors du commun, seuls capables de maîtriser cette terre peuplée d’habitants belliqueux. 
Deux projets surclassaient tous les autres et promettaient une belle diversion. Neptune, maître des eaux, et le flamboyant Vulcain s’opposaient de façon acharnée, ridiculisant les autres candidats aux ambitions trop timorées. L’un voulait transformer le monde en un univers aquatique très reposant avec poissons à volonté, plein d’oméga 3 et excellents pour la mémoire, sans oublier de promouvoir la passion de naviguer pour des habitants nourris à l’adrénaline de l’aventure. Par ailleurs, le dieu liquide affichait sa confiance grâce à un fait incontestable : l’Homme était majoritairement composé d’eau. 
L’autre, de son côté, s’alliait avec l’astre solaire pour promettre une offre de balnéothérapie à l’année, chargée en vitamine D, pour des terriens toujours de bonne humeur et donc moins prompts à se révolter. Comme le chantait le jeune poète plein d’avenir Aznavourus: « la misère est moins pénible au soleil ! » 
Jupiter se délectait de voir ses enfants terribles s’affronter et ne voulait surtout pas montrer sa préférence afin de faire monter les enchères. Cette distraction surclassait tout ce qu’il avait pu imaginer. Les joutes verbales des candidats, hautes en couleurs et en noms d’oiseaux, divertissaient un nombre croissant de connectés au réseau d’actualités newsbookus, dont les réactions à chaud permettaient à Jupiter de muscler ses zygomatiques bien plus de 3 minutes par jour. Il finit même par museler les trop sérieuses sœurs Cassandre qui déployaient des prophéties terrifiantes sur les conséquences de cette farce. Jupiter usa de son droit de censure pour éviter de rendre les candidats nerveux, voulant absolument éviter que le bon sens commun retrouvé n’altère son nouveau passe-temps. Les meilleurs humoristes se démarquaient toujours par leur grand sérieux, pensait-il... 
À l’annonce des noms des finalistes, Neptune et Vulcain éclatèrent de joie. Une vague gigantesque, guidée par son Dieu d’eau, déferla sur la terre ne laissant aucune chance à ceux qui se trouvaient sur son passage. Vulcain, quant à lui, accompagna cette déferlante de ses éclairs foudroyants aux décibels claquants comme des fouets. Cette démonstration de force improvisée laissait augurer du reste… Chaque camp ironisait sur le projet de l’autre et ne doutait aucunement de l’issue de la compétition. Les coups bas devenaient légendaires ! Pourtant, l’affrontement actuel ne se limitait qu’au verbe sans avoir encore fait la preuve concrète de l’efficacité de leurs programmes respectifs. 
Cette fois, les beaux discours allaient devoir se confronter à la réalité !L’arbitre Jupiter convoqua Neptune et Vulcain pour les informer de la suite des épreuves. La terre venait d’être partagée : le nord et le sud. Chacun recevait un territoire qu’il devait diriger et faire prospérer. À ce moment, Jupiter ne résista pas à l’envie de donner un cours à ses apprentis sur l’importance de l’efficience, des gains de productivité, sur la valeur du travail…mais l’ardeur de son éloquence ne suffit pas à intéresser les élèves dissipés. Devant aussi peu d’enthousiasme, Jupiter, d’un ton où toute son ire s’exprimât, expliqua plus matériellement ce qui attendait les concurrents. 
Un silence asphyxiant nimba le bureau du Dieu atteint dans son orgueil. Les subordonnés, conscients de leur carence d’admiration envers le maître, baissèrent simultanément les yeux afin d’apaiser la colère de celui qui pouvait encore briser leurs ambitions démesurées. 
Le vainqueur sera désigné en toute objectivité grâce à la mesure de la ferveur populaire. Jupiter, féru de sciences et de découvertes, n’était pas peu fier de leur montrer sa dernière invention (promue lors du concours Olympine) : le fervomètre. Infaillible selon le Dieu des Dieux ! 
Les candidats, après avoir salué longtemps le génie d’une telle invention, se séparèrent sans prononcer une parole, chacun jetant un regard orageux plein de défiance à son adversaire. 
Inévitablement, la guerre éclata. Les territoires distribués semblaient trop étriqués pour convenir aux ego démesurés qui s’affrontaient. Des tactiques guerrières se mettaient en place dans chaque camp. Vulcain travaillait dans sa grotte-refuge sous l’Etna et comptait fédérer tous les volcans de la terre, actifs ou endormis, pour qu’ils s’animent simultanément, surtout ceux de l’hémisphère nord sous la responsabilité de Neptune ! 
Cette langue de lave laperait les belles forêts du nord, laissant derrière elle un paysage de désolation. Admiratif de sa propre intelligence, il n’avait pas oublié de corrompre Eole pour qu’il repoussât les nuages aqueux que son adversaire ne manquerait pas de déployer pour mettre fin à cette catastrophe enflammée. Devant le cataclysme qui s’annonçait, les peuples allaient forcément s’allier pour le prier avec ferveur, implorant sa clémence. Dans le même temps, une chaleur douce et maîtrisée s’installerait sur son propre territoire, mettant ainsi en valeur le bien-être de ses sujets, contrastant avec ceux qui luttaient pour survivre dans l’autre hémisphère, asphyxiés par les fumées denses et étouffantes vomies par les cheminées naturelles contrôlées par Vulcain. En plus, soucieux de toujours créer de nouvelles sources de chaleur, Vulcain voulait porter l’estocade à Neptune, en train de focaliser toute son énergie à lutter contre les feux ravageurs. 
En effet, le maître du feu allait créer un jeu très simple. Une sphère d’environ 22 cm de diamètre, d’un poids voisin à 400 grammes, était offerte au peuple pour qu’il se divertisse. Deux équipes s’affrontaient soutenues chacune par une foule croissante d'amis. Nul doute que la compétition allait échauffer les esprits à un point non encore exploré ! Un double avantage pouvait conduire Vulcain à la victoire. D’une part, les joueurs adulés par une large part de la population aideraient à faire oublier la relative misère dans laquelle la majorité des habitants baignait et d’autre part, La chaleur dégagée pouvait immanquablement faire pencher le fervomètre en sa faveur. 
De son côté, Neptune cherchait à créer une atmosphère uliginaire, favorables aux cultures. Il refusait, dans un premier temps, de céder à la tentation d’envahir le monde par ses eaux déchaînées dont il prendrait la tête, tel un stratège incontestable. Il savait que rien ne pouvait résister à sa force et ne désirait pas casser trop tôt le jouet terrien offert. Il pensait, lui aussi, aux loisirs de ses sujets en prévoyant de transformer de l’eau en neige légère et cotonneuse dans des endroits où le relief majestueux retenait le froid. L’immaculée blancheur qui en découlerait serait un ravissement pour les yeux des heureux montagnards. 
Ces pans de montagne fixes ressembleraient à des vagues gigantesques pétrifiées qui pouvaient se transformer en terrain de jeu pour les terriens toujours jaloux de l’oisiveté de leurs Dieux. Le bonheur ainsi distribué ferait pencher la victoire de son côté. Convaincu de sa supériorité, il prit de la hauteur pour admirer cette planète bleue, bâtie à son image. Aucun doute qu’il en serait le maître ! 
Les hostilités se déchaînaient. Pourtant, la dernière consultation du fervomètre renvoyait les candidats dos à dos. L’égalité parfaite régnait. Vulcain n’avait pas prévu que le réveil des volcans l’amputerait de milliers de voix. Les victimes priaient le ciel pour que l’eau des nuages puissent les aider à éteindre les incendies qui se propageaient dangereusement, menaçant leurs villages construits dans les forêts toutes proches tout en plaquant cette fumée opaque qui brûlait leurs poumons. Bien sûr, Neptune dirigea, malgré les vents contraires, son armée impressionnante de cumulo nimbus vers ces feux dévastateurs. En Napoléon des cieux, il donna au nuage de tête son apparence afin que sa présence au combat fut remarquée par ce peuple sur les voix duquel il comptait. 
Les terres devinrent très fertiles assurant aux survivants de cette catastrophe dite naturelle des récoltes hors du commun. Très croyantes, les âmes sauvées remercièrent quotidiennement leur libérateur, le dieu des eaux. 
Pourtant Neptune ne gagnait pas sur tous les plans. L’atmosphère pluvieuse et grise imposée par le maître des mers déprimait sérieusement les victimes qui sondaient le ciel quotidiennement en espérant une éclaircie. Ceux-là n’avaient pas souffert de la colère des volcans parce qu’ils en étaient trop éloignés. Ainsi, leur unique inquiétude se tournait vers les cultures bien développées grâce à l’apport d’eau mais qui, désormais, réclamaient de la chaleur et de la lumière pour s’épanouir. La famine menaçait. Cette peur des estomacs vides équilibra la balance en faveur de Vulcain. 
L’indécision terrestre mettait les nerfs des concurrents à vif. La raison était devenue une notion surannée, engloutie dans un passé oublié. Malgré leurs efforts divins, les peuples exprimaient mal leur satisfaction. Neptune et Vulcain furent tentés de trafiquer le fervomètre mais Jupiter veillait sur son invention. 
Neptune, blessé dans son orgueil, commença par déchaîner les mers et les océans. Après son passage, seule la désolation triomphait. Les vies détruites ne maltraitaient aucunement sa conscience. Vulcain, au lieu de laisser la colère de l’autre lui apporter les voix nécessaires à la victoire, défia son adversaire de toute sa force divine. Il transforma des plaines verdoyantes en véritables déserts où l’eau se raréfiait au point de rendre les cultures difficiles, voire impossibles. 
Les habitants de ses contrées, très fatalistes, avaient dû s’adapter à ces bouleversements en adoptant une vie nomade, toujours à la recherche d’un point d’eau. La chaleur cuisante obligeait les hommes et les femmes à protéger leurs peaux des brûlures du ciel. Dans ces régions, les habitants cherchaient l’eau comme d’autres se ruaient vers l’or. En même temps, leurs croyances divines s’étiolaient un peu plus chaque jour. 
De même, les coins de terre balayés par les vents humides se recouvraient d’une végétation luxuriante mais très marécageuse. Les régions en bord de mer s’habituaient à ce crachin qui transperçait les corps de son humidité. Là aussi, la population sut s’adapter. La culture hors sol fut créée. De même, des lampes diffusaient une lumière équivalente à celle du soleil, rendant à chacun sa bonne humeur face à la grisaille environnante. 
Finalement, le fervomètre semblait gelé tant l’oscillation de son aiguille s’était figée. Les terriens ne croyaient plus à grands choses et préféraient contrer les catastrophes naturelles grâce à leur inventivité sans borne plutôt que de s’en remettre aux aléas divins. 
Épuisés, les deux candidats se lassèrent de ces batailles où chaque camp s'auto-proclamait vainqueur. Jupiter dut se résoudre à récupérer sa terre dans un drôle d’état. Toutefois, en observant les conséquences de cette bataille fratricide, les résultats l’impressionnèrent. 
Chaque continent avait su s’adapter aux nouvelles conditions climatiques, apportant ainsi une diversité intéressante à cette terre où les traces des affrontements marquaient encore nombre de territoires. L’eau recouvrait plus de la moitié du globe mais le soleil restait le graal tant recherché des peuples nordistes. Jupiter valida l’absence de vainqueur incontestable ! 
M.Thor, professeur de géographie, venait de perdre les derniers cheveux qui lui restaient en écoutant cet exposé si peu scientifique sur la planète. Il ne savait plus s’il devait en rire ou en pleurer. Par contraste au profond désarroi du professeur, le jeune Triton, élève à l’imagination féconde, trônait sur l’estrade tout en profitant de la gloire que son récit lui procurait. Il défiait de son regard bleu limpide le professeur qui semblait incapable de réaction. Une vague de mains faisait chavirer la salle de bonheur. 
M. Thor faillit, à ce moment, succomber d’apoplexie devant cette ola spontanée, prêtant allégeance au vainqueur de la joute scolaire. Triton, sûr de sa supériorité, jeta un œil sur le fervomètre téléchargé la veille sur son téléphone portable. 
Dans un dernier effort, le vieux professeur boiteux se leva lentement, excité par le défi proposé. Il fixa ses élèves tous occupés par leur manifestation gestuelle. L’euphorie des jeunes prétentieux leur fit oublier la lumière incandescente qui s’échappait des orbites en fusion du professeur, menacé de défaite. Un éclair éblouissant et tonitruant ramena le calme instantanément parmi les frondeurs en herbe. 
Finalement, l’équilibre des forces continua à régir la distribution d’eau et de chaleur à la surface de cette planète aquatique, intégrée au système

Suite de l'atelier autour de l'art de cuisiner son mari ou sa femme

21 novembre 2015 


Texte de Nathalie 
Mon mari cuisiné en sauce littéraire. 

Une dispute sur fond de guerre des sexes rend l'atmosphère irrespirable depuis quelques jours. Les portes claquent et les bouches restent closes. Du coup, les regards prennent le relais pour traduire toute la rancœur haineuse éprouvée. Pourtant, j'avoue que je ne me souviens même plus de l'étincelle qui a allumé le feu entre nous, mais je ne veux pas perdre la face aussi facilement. 

Bon, je décide de faire le premier pas parce que j'ai, indubitablement, la rancune moins tenace. Je pose ainsi une journée de congés sans l'avertir pour lui concocter un repas inoubliable. Selon les anciens, pour garder un mari, il faut contenter son estomac. C'est un peu réducteur pour la féministe qui sommeille en moi mais je cède. 

Seule face aux objets de la cuisine, quelques regrets commencent à s'immiscer dans ma conscience. Une petite voix traître se moque de ma folie. Ce ne doit pas être si compliqué tout de même de couper et cuire quelques aliments !! Je me secoue et m'accroche à mon projet. Après tout, c'est l'intention qui compte. 

J'ouvre le frigo afin de faire l'inventaire des produits à ma disposition. Un sourire de satisfaction s'inscrit sur mon visage, heureuse d'exprimer tous mes talents d'organisatrice. Un morceau de porc me fait de l’œil d'autant que la date de fraîcheur peut devenir préoccupante assez rapidement. Un sauté de porc sauce aux moules semble la recette la plus adaptée à la situation avec sous-entendus et humour mêlés. 

Malheureusement, le porc résiste. Il tient à son unité ! Mon couteau lacère, s'acharne sur la viande pour finir en véritable carnage. Les mains couvertes de sang, des morceaux irréguliers trônent devant moi, vaincus. La première casserole fera l'affaire. Comme vu à la télévision, je verse un peu d'huile au fond, coupe un oignon qui, au passage, a percé mes réserves lacrymales,(mes yeux ressemblent à ceux d'un lapin malade) et ajoute mon porc en charpie. À ce moment, je sens la satisfaction m'envahir. 

Seulement, lorsqu'il faut retourner les morceaux pour qu'ils soient dorés uniformément, la viande colle au fond tout en résistant à mes coups désespérés de spatule. Bien sûr, les oignons brûlent pour devenir de véritables petits blocs de charbon. Mes efforts colorent mes joues d'une charmante couleur pourpre tout en convoquant une sueur dense rendant ma peau luisante, (du plus charmant effet !). Mes cheveux décident de se révolter à ce moment précis en partant dans tous les sens. Malgré l'acharnement des éléments extérieurs, je m'obstine en jetant tous les autres ingrédients en même temps. Je me surprends à proférer des insultes à cette matière inerte qui réussit à mettre mes nerfs en boule. Une odeur indescriptible, pas très agréable et légèrement étouffante, envahit la maison. Mes papilles ne salivent plus depuis longtemps devant un tel désastre culinaire. 

Complètement paranoïaque, j'ai pensé que le temps avait accéléré sa course lorsque le bruit de la porte d'entrée m'extirpa de mon combat. Il arrive, frais comme un gardon, les doigts en train de pincer son nez et me trouve là dans mon bel ensemble, hyper sexy, maculé de gras. Mon visage garde les stigmates de la bataille sanglante que je viens de livrer et pour achever le tableau, je bave de colère. Les dernières larmes au bord des yeux, je lance : « voilà, j'ai tout raté ! » De désespoir, je lui mets sous le nez la photo non contractuelle de mon plat. Effondrée, à terre, la tête dans les mains, je sens son bras glisser autour de mes épaules, accompagné d'un doux baiser dans le cou. 

Un chuchotement effleure mon tympan : « si tu prends une douche, je t'invite au resto ! » Il me souriait et ses yeux me récitaient tous les mots d'Amour connus. J'avais quand même réussi...Quand à la réconciliation, je laisse à votre imagination le soin de continuer l'histoire.